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Vivre avec un cancer casse-couille
30 juin 2016

La vie côté soleil

J’ai laissé tous mes soucis à la maison, laissant pêle-mêle factures, démarches administratives et bilans médicaux pour un séjour méditerranéen aux températures très douces, entre 25 et 28 degrés et un climat familial apaisé.

Ces quelques jours, je regarde ma mère avec mes enfants déployer sans effort milles gestes d’amour de grand-mère idéale, avec un mélange de joie et de tristesse car je n’aurais pas le plaisir de gâter de même mes petits enfants : arranger la maison pour les accueillir, fourbir mes fourneaux pour les goinfrer de gâteaux, faire des cachoteries pour transgresser les interdits. Mais j’ai appris à vivre par procuration tous les plaisirs que je n’aurais plus en regardant les autres les accomplir.

Ce matin, nous allons à la plage assez tôt pour trouver une mer calme et une température douce. Après vérification, mes traitements m’imposent de fuir le soleil, je suis donc installée sur un fauteuil comme les dames du temps jadis le corps entièrement couvert, un foulard sur le  chapeau me dissimulant le visage.

Ayant déjà expérimenté que la pression de l’eau en piscine était trop inconfortable pour mes os, je reste sur le rivage, surveillant mes enfants jouant dans l’eau. C’est assez étrange d’être à la plage cachée sous des foulards en plein été, mais je n’ai jamais trouvé aussi joli ce moment passé sur cette même  plage où nous allons depuis quelques années. Je profite des jeux de lumière sur les flots, qui m’apparaissent exactement comme dans les tableaux des impressionnistes.

Le soleil commençant à me piquer la peau des pieds, j’ai demandé aux enfants de me faire des chaussettes en sable mouillé, pour leur plus grande joie.

Le lendemain, nous avons été chez ma sœur qui possède une jolie petite maison, entourée d’un petit jardin. Comme sur la plage, je crois que je n’ai jamais autant su profiter du moment présent.

Dès mon arrivée, les noirs rutilants du piano m’appellent. Je me joue plus depuis 18 mois car j’ai de trop mauvais souvenirs de mon jeu pianistique sous chimiothérapie, mais cette fois, je me suis laissée prendre au charme de l’instrument que ne possède pas mon numérique domestique. Comme j’avais prêté des partitions à ma sœur, j’ai le bonheur d’en trouver une copie, sinon, je n’aurais pu jouer, ma mémoire étant par trop infidèle. Et je me suis laissée bercée par les notes, malgré le jeu de mes doigts engourdies par la chimie.  Et puis, la ronde des douceurs s’est poursuivie.

Au jardin, quel beau figuier au feuillage formant une boule autour de la ramure. J’observe avec plaisirs mes enfants juchés avec leurs cousines dans ses branches qui me rappellent les meilleures moments de mon enfance. Je cueille quelques framboises pour retrouver leur parfum acidulé, synonyme des jours d’été de mon enfance dans le jardin de mes parents.

De ma prime jeunesse ne me revient que la douceur, que Philippe, mon premier amour, savait si bien évoquer en parlant de la sienne. La tendresse de ces propos résonne encore en moi, vingt ans après.

Quel plaisir de faire de la couture sur la terrasse : avec ma mère nous avons repris mes vêtements d’été pour les ajuster à ma nouvelle taille fine. Quel joie d’avoir enfin des pantalons légers à ma taille, d’admirer l’adresse de ma mère, de voir que j’en possède une partie.

Je retourne au jardin, profiter de la nature que j’aime tant et je ne résiste pas non plus à l’appel des branches basses de ce majestueux figuier aux larges feuilles d’un beau vert, même si j’hésite un peu, car il ne faudrait pas que je tombe et je n’ai pas vraiment l’agilité pour grimper. Les branches se rejoignent formant un léger creux où je me glisse maladroitement, comme dans la paume d’une main accueillante. Je finis par trouver une position agréable et sans danger, l’esprit remontant le temps jusqu’à l’enfance où le bonheur s’accrochait aux branches des arbres où je grimpais.

Sur la terrasse, je retrouve l’easy-roller, sorte de voiture à pédale très bien conçue par un grand magasin de sports. Cette fois encore, je me laisse emporter par mon envie de jouer les vieilles tantes indignes et je me glisse sur son siège pour rouler quelques mètres, en criant dès que son contrôle m’échappe un peu, mais veillant soigneusement à ne pas tomber et à éviter les heurts avec les obstacles, sous les regards des enfants. J’ai toujours eu dans l’idée que dans mes vieux jours, je serais une grand-mère coquine, malicieuse et transgressive !

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